PLF 2026 : état des lieux des mesures votées, modifiées et rejetées
Ceci n'est pas un conseil en investissement. Les informations présentées sont à titre informatif uniquement. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Un projet de loi sous haute tension parlementaire
Déposé le 14 octobre 2025 par le gouvernement Lecornu, le projet de loi de finances pour 2026 vise un objectif ambitieux : ramener le déficit public de 5,4% à 4,7% du PIB en une année, avant de passer sous la barre des 3% d'ici 2029. Pour y parvenir, l'exécutif propose un effort budgétaire de 30 milliards d'euros, répartis entre 17 milliards d'économies et 14 milliards de nouvelles recettes.
Après plusieurs semaines de débats parfois tendus à l'Assemblée nationale, faisons le point sur les mesures adoptées, les amendements qui transforment le texte initial et les propositions rejetées.
Les mesures adoptées : une fiscalité repensée
L'examen de la première partie du PLF 2026, consacrée aux recettes de l'État, a donné lieu à l'adoption de nombreux amendements qui modifient substantiellement le projet initial du gouvernement. Ces modifications touchent aussi bien les entreprises que les particuliers, avec des impacts directs sur la gestion patrimoniale.
Fiscalité des entreprises : un durcissement ciblé
Les députés ont concentré l'effort fiscal sur les plus grandes entreprises françaises. La surtaxe sur les bénéfices des grandes sociétés a été renforcée pour générer 6 milliards d'euros de recettes, contre 4 milliards initialement prévus. Cette mesure cible les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 3 milliards d'euros.
La taxation des géants du numérique a été significativement durcie. Le taux de la taxe GAFAM, qui vise les grandes entreprises technologiques comme Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, passe de 3% à 6% du chiffre d'affaires réalisé en France pour rapporter près de 880 millions d'euros en 2026.
Une autre mesure majeure concerne les rachats d'actions. Le taux applicable aux entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires passe de 8% (initialement prévu pour les sociétés au-delà de 1 milliard d'euros) à 33%, une hausse spectaculaire pour générer 8,4 milliards d'euros supplémentaires. Cette taxation vise à décourager les opérations financières au profit de l'investissement productif.
Enfin, l'Assemblée a élargi le périmètre du taux minimum de 15% sur les bénéfices des multinationales en abaissant le seuil d'éligibilité de 750 à 500 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Transmission et patrimoine : des règles durcies
Le volet patrimonial du PLF 2026 a subi d'importantes modifications qui concernent directement les stratégies de transmission. Le Pacte Dutreil, dispositif permettant de transmettre une entreprise avec une exonération partielle de droits de succession, a été substantiellement encadré.
Les amendements adoptés début novembre ont introduit trois changements majeurs : la durée minimale individuelle de conservation des titres transmis passe de 4 à 6 ans (soit 8 ans au total avec les 2 ans de détention collective préalable), l'âge des bénéficiaires doit désormais se situer entre 18 et 60 ans pour au moins l'un d'entre eux, et surtout, seuls les biens strictement professionnels peuvent désormais bénéficier de l'avantage fiscal. Cette dernière modification vise à mettre fin aux stratégies d'optimisation qui permettaient d'inclure des actifs non productifs dans le périmètre du pacte.
La fiscalité immobilière n'est pas en reste. L'Assemblée a voté la création d'un impôt sur la fortune improductive qui intègre les actifs non productifs dans une assiette taxable au taux de 1% au-delà de 1,3 million d'euros de patrimoine net. Sont concernés l'immobilier non productif, les objets précieux, les véhicules, les yachts, les avions, ainsi que les fonds en euros de l'assurance-vie. La résidence principale reste exclue de cette nouvelle taxation.
Pour les successions, les beaux-enfants voient leur situation s'améliorer avec un abattement désormais aligné sur celui des frères et sœurs, passant de 1 594 à 15 932 euros. Cette mesure facilite la transmission au sein des familles recomposées.
S'agissant de l'immobilier, le délai de détention nécessaire pour bénéficier d'une exonération totale de plus-value lors de la vente d'une résidence secondaire a été raccourci de 22 à 17 ans. L'objectif affiché est de stimuler les transactions sur le marché immobilier.
Enfin, l'exit tax, cette taxation sur les plus-values latentes des contribuables qui s'expatrient, a été rétablie dans sa version originale pour freiner l'évasion fiscale des actionnaires. La durée de détention des titres pour obtenir un remboursement passe de 2 à 15 ans. Cette mesure représente 70 millions d'euros de recettes.
Fiscalité des particuliers : entre allègements et maintien de contributions
Plusieurs mesures favorables aux contribuables ont été adoptées. La défiscalisation des heures supplémentaires devient totale avec la suppression du plafond qui était fixé à 7 500 euros. Cette mesure, dont le coût est évalué à 1 milliard d'euros, vise à augmenter le pouvoir d'achat des salariés qui effectuent des heures supplémentaires.
Les pensions alimentaires bénéficient également d'une exonération fiscale pour les bénéficiaires, plafonnée à 4 000 euros par enfant dans la limite de 12 000 euros annuels. Cette disposition simplifie la situation fiscale des foyers concernés.
Pour les résidents en Ehpad, la réduction d'impôt de 25% sur les frais d'hébergement se transforme en crédit d'impôt, permettant ainsi aux personnes non imposables d'en bénéficier également.
La contribution différentielle sur les hauts revenus, qui instaure un taux minimum d'imposition de 20% pour les foyers gagnant plus de 250 000 euros par an, a été prolongée au-delà de 2026. Elle s'appliquera désormais jusqu'à ce que le déficit public repasse sous la barre des 3% du PIB, soit potentiellement jusqu'en 2029.
Enfin, contre l'avis du gouvernement, les députés ont maintenu l'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation (1,1%). Cette décision prive l'État de 2 milliards d'euros de recettes mais préserve le pouvoir d'achat des contribuables.
Les mesures modifiées en cours d'examen
Certaines propositions du gouvernement ont été substantiellement transformées par les amendements parlementaires. La taxation des holdings patrimoniales illustre parfaitement ce processus d'ajustement. Le projet initial du gouvernement prévoyait une taxe annuelle de 2% sur les actifs non professionnels détenus. Après examen parlementaire, les députés ont adopté l'amendement Juvin qui a recentré le dispositif sur les seuls biens somptuaires (véhicules de tourisme, yachts, métaux précieux, objets d'art) tout en multipliant le taux annuel de taxation par dix, le portant de 2% à 20%. Cette hausse vise à renforcer le caractère dissuasif de la mesure et à inciter les actionnaires de holdings à réallouer ces biens somptuaires à leur patrimoine personnel. Parallèlement, le seuil de détention a été relevé de 33% à 50% des droits de vote ou des droits financiers.
La taxe sur les bénéfices des grandes entreprises a également été recentrée pour concentrer l'effort sur les très grandes sociétés plutôt que sur les entreprises de taille intermédiaire. Cette modification répond aux préoccupations exprimées sur la compétitivité des ETI françaises.
Les mesures rejetées : ce qui ne verra pas le jour
L'Assemblée nationale a rejeté plusieurs propositions, dont certaines avaient suscité une forte opposition. La fiscalisation des indemnités journalières versées aux personnes en affection de longue durée (ALD) a été massivement rejetée. Cette mesure, jugée très impopulaire, aurait consisté à soumettre à l'impôt sur le revenu des indemnités destinées aux malades.
La taxe Zucman, qui proposait d'instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines dépassant 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 voix contre 172. Cette proposition, portée par des économistes pour lutter contre l'évasion fiscale des très grandes fortunes, ne verra donc pas le jour dans le cadre du PLF 2026.
Une autre mesure visant à créer un impôt universel ciblé sur l'évasion fiscale, présentée par La France insoumise pour dissuader les départs à l'étranger, a été rejetée à une voix près (131 contre 132).
Où en est-on aujourd'hui ?
À la mi-novembre 2025, le processus législatif du PLF 2026 se trouve dans une phase cruciale. L'examen de la première partie du texte, consacrée aux recettes, a pris du retard. Le vote solennel initialement prévu début novembre a été reporté au 17 novembre, et les débats ont repris le 13 novembre pour finaliser l'examen des 3 822 amendements déposés. Parallèlement, l'Assemblée examine également le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, qui suit un calendrier législatif distinct.
Le gouvernement s'est engagé à ne pas utiliser l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le PLF 2026, promettant de laisser le Parlement avoir le dernier mot. Cette approche marque une rupture avec la pratique récente, puisque tous les budgets depuis 2022 avaient été adoptés via ce mécanisme permettant de passer outre le vote des députés.
Le texte dispose d'un délai constitutionnel de 70 jours à compter de son dépôt le 14 octobre pour être examiné par le Parlement, soit jusqu'au 23 décembre, avec une promulgation obligatoire avant le 31 décembre 2025.
Comment adapter sa stratégie patrimoniale pour 2026 ?
Face à ces évolutions fiscales, plusieurs axes de réflexion s'imposent pour optimiser la gestion de son patrimoine en 2026. Les modifications apportées au Pacte Dutreil nécessitent une anticipation accrue pour les transmissions d'entreprise. Les chefs d'entreprise qui envisagent une transmission doivent désormais prendre en compte un engagement de conservation plus long et s'assurer que seuls des actifs strictement professionnels sont intégrés dans le dispositif.
La création de l'impôt sur la fortune improductive devrait inciter les détenteurs de patrimoine important à réorienter leurs avoirs vers des actifs productifs. Les fonds en euros de l'assurance-vie, désormais potentiellement concernés par cette taxation, pourraient perdre de leur attractivité au profit d'investissements en unités de compte ou dans l'économie réelle.
Pour l'immobilier locatif, la réduction du délai d'exonération sur les résidences secondaires de 22 à 17 ans peut influencer le calendrier de certaines ventes. Cette mesure vise précisément à fluidifier le marché en incitant les propriétaires à vendre plus rapidement.
Les stratégies d'expatriation fiscale devront être reconsidérées au regard du rétablissement de l'exit tax dans sa version la plus stricte. Le coût fiscal d'un départ de France pour les détenteurs d'actifs importants s'en trouve sensiblement accru.
Enfin, les donations aux beaux-enfants deviennent plus avantageuses avec l'augmentation substantielle de l'abattement. Les familles recomposées disposent désormais d'un outil de transmission plus favorable pour organiser la répartition de leur patrimoine.
Tableau récapitulatif des principales mesures
| Mesure | Statut | Impact |
|---|---|---|
| Surtaxe grandes entreprises | Adoptée (modifiée) | 6 Md€ de recettes |
| Taxe GAFAM (3% → 6%) | Adoptée | 880 M€ de recettes |
| Pacte Dutreil (8 ans total, 18-60 ans) | Adoptée | Durcissement transmission |
| Impôt fortune improductive (1%) | Adoptée | Taxation actifs non productifs |
| Défiscalisation heures sup. | Adoptée | Coût : 1 Md€ |
| Abattement beaux-enfants (15 932€) | Adoptée | Facilite transmission |
| Exit tax rétablie | Adoptée | 70 M€ de recettes |
| Taxe Zucman (2% > 100 M€) | Rejetée | - |
| Fiscalisation indemnités ALD | Rejetée | - |
Ce qu'il faut retenir
Les députés ont renforcé la taxation des grandes entreprises et des multinationales, tout en durcissant significativement les dispositifs de transmission patrimoniale. Dans le même temps, ils ont rejeté les mesures les plus impopulaires comme la taxation des indemnités maladie.
L'équilibre final reste toutefois incertain. Le vote sur la première partie du texte, reporté au 17 novembre, sera un moment clé pour mesurer la capacité du gouvernement à faire adopter son budget sans recourir au 49.3. La seconde partie du texte, consacrée aux dépenses, fera l'objet d'âpres négociations dans les semaines à venir.
Pour les contribuables et les chefs d'entreprise, l'année 2026 s'annonce comme une période de transition fiscale importante. Les arbitrages patrimoniaux devront intégrer ces nouvelles contraintes tout en gardant à l'esprit que le texte définitif ne sera connu qu'après l'examen par le Sénat et l'éventuelle commission mixte paritaire. Une veille attentive de l'évolution du texte s'impose donc pour adapter sa stratégie au bon moment.
Sources
- Budget 2026 : ce qui a été adopté, modifié et rejeté - France Info
- Budget 2026 : les principales mesures - LCP Assemblée nationale
- Le projet de loi de finances pour 2026 - Budget.gouv.fr
- Projet de loi de finances pour 2026 - Assemblée nationale
- PLF 2026 : tableau de synthèse des amendements - LégiFiscal


